Only God Forgives et nous on souffre

Après la démonstration de son talent de réalisateur dans Drive, qui lui avait valu le prix de la mise en scène au 64eme festival de Cannes, le nouveau film de Nicolas Winding Refn était attendu comme le messie. D’ailleurs intitulé Only God Forgives, il traite cette fois de la spiritualité et surtout de la mort. Un film en forme d’expérience mystique qui reprend les recettes de Drive pour en montrer tous les travers. La déception est immense.

Une salle de boxe, les couloirs d’une boîte de nuit ou les rues de Bangkok, des lieux d’une banalité incroyable peut-être à la lumière du jour, peut-être aussi vus à travers d’autres yeux que ceux de Nicolas Winding Refn. Car avec le génie du cinéaste l’espace se magnifie à la lumière des néons rouges, verts, bleus et un restaurant karaoké devient le lieu le plus noble qui soit pour qu’évoluent les personnages aux mouvements suaves, déambulant sans savoir où ils vont,  presque somnambuliques. La mise en scène est comme dans Drive, hallucinée et hallucinante, elle relève plus du processus de  la trance que d’une mis en image formelle de l’action représentée. Comme dans Drive aussi des éclairs de violence traversent des moments d’accalmie extrêmes. Mais si le héros s’éveillait au monde, celui d’Only God Forgives, Julian alias Ryan Gosling, entame lui son voyage vers la mort. Voyage qu’il n’achèvera pas avant d’avoir traversé l’enfer. Le ton est élégiaque, porté par une musique orchestrale, parfois terrifiante. C’est bien dans les tréfonds de l’enfer que nous traîne Nicolas Winding Refn, son film sent la mort dans chaque plan, chaque déchaînement de violence, personnalisée par le personnage du policier grand maître du jugement dernier, elle identifie ceux qui ont passé le teste et ceux qui ont échoué.

L’enfer filmé par Winding Refn c’est beau, magnifique même, mais c’est creux, caricaturale et finalement ennuyeux à mourir. Le complexe d’oedipe, la lutte du bien contre le mal, la masculinité, la violence, aussi bien physique que morale et enfin la mort sont tous des thèmes que le film souhaite explorer, sans jamais vraiment réussir à le faire se laissant happer par du symbolisme simpliste qui explose dans un final à la limite de l’affligeant.  Le long-métrage veut tellement verser dans l’expérience mystique qu’il en fait trop là où il devrait être modéré et pas assez là où il devrait aller en profondeur.  Dans la caractérisation des personnages par exemple, pour lesquels nous n’avons pas une once d’empathie, qui ne sont pas du tout incarnés et finissent par faire seulement figure d’allégorie.  Julian, qui représente l’impuissance masculine, au sens propre comme au figuré, réussit même l’exploit de faire de l’électrique Ryan Gosling un acteur atone, plus poseur qu’autre chose.

Si son personnage a, à première vue des ressemblances avec celui de Drive, une tendance à économiser les mots et à partir dans des accès de violence démesurée, il n’a définitivement rien de commun. Là où l’absence de mots du driver avait une dimension hautement poétique qui nous faisait comprendre directement l’obligation de les refouler dans un environnement très réaliste, celle de Julian renforce son aspect chimérique et nous le rend peu sympathique. Le personnage de la mère castratrice (Kristin Scott Thomas merveilleuse), bien plus encré dans la réalité, qui ouvre le plus la bouche, pour dire aussi les choses les plus immondes est beaucoup plus identifiable. Le vrai héros est sûrement cette mort qui rôde et dont on attend la rencontre avec Julian, vers laquelle tend tout le film. Lorsque cela arrive enfin on voudrait presque pleurer, non à cause de l’issu tragique pour le personnage, mais à cause de l’amer déception devant le film d’un metteur en scène qui  a pourtant tant de génie.

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2 réflexions sur “Only God Forgives et nous on souffre

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